?La parution d?un livre d?E. Cizek est toujours un événement. Aussi est-ce avec quelque scrupule que nous en rendons compte aussi tardivement. Mais ce livre est si ?dérangeant? qu?il nous a fallu quelque temps avant de nous persuader à nous-mêmes que son originalité extrême ne compromettait en rien la solidité de ses analyses. L?entreprise, en effet, est hardie, qui se présente comme une tentative de mettre en évidence les rapports entre les institutions et la mentalité romaines ou, plus exactement, entre la manière dont les Romains vivaient leurs institutions et l?image qu?ils se donnaient d?eux-mêmes. (?) L?auteur s?appuie sur les concepts plus familiers aux sociologues qu?aux antiquisants, et notamment sur les travaux de notre collègue montpelliérain A. Mucchielli, qui dans son ouvrage ?Les mentalités?, Paris, 1985, a mis en valeur les notions de ?méta-valeurs? au sein des sociétés, c?est-à-dire de valeurs si profondément enfouies qu?ells sont souvent inexprimées, mais en même temps si fondamentales qu?elles soutendent la plupart des grandes valeurs sociales fondamentales à chaque société. Le miroir que la mentalité romaine tendait au peuple romain permet ainsi d?expliquer de manière nouvelle et lumineuse bien des usages socio-politiques de Rome, et éclaire les structures constantes qui se dessinent dans l?historiographie romaine (?). Certes il n?y a aucun déterminisme sociologique là-dedans: la mentalité collective d?un peuple n?est pas un destin fixé dès ses origines. Et l?auteur montre avec acuité comment le schéma directeur de cette mentalité, sans jamais abolir ses traits essentiels, a montré, tout au long de l?histoire de Rome, une étonnante capacité à s?adapter à l?évolution de la cité, une souplesse qui, justement, atteste la dynamique puissante des méta-valeurs de la communauté. (?) Il faut lire ce livre tonique et roboratif, écrit par l?un des savants les plus atypiques - et c?est tant mieux! - de notre monde scientifique! Outre qu?il fait la preuve, si besoin était, que la modernité n?est pas une question d?époque étudiée, mais de nouveauté du regard, il marque un temps d?avance sur les spécialistes d?histoire contemporaine, qui en sont encore à balbutier leur sociologie, empêtrés qu?ils sont dans leurs lambeaux d?idéologie.? (P.-M. MARTIN in Vita Latina, 1994, pp.47-48). From the library of Professor Carl Deroux.