?En 1969, l?A. avait déjà publié une excellente étude sur Thomas More et la crise de la pensée européenne (même éditeur). Reprenant sur de nouvelles bases la traduction et la publication de l?Utopie, il y joint une savante préface qui sur le point sur l?écrivain, son temps, son esprit et la composition de son ouvrage, en insistant encore sur cet aspect de crise qui rappelle singulièrement notre époque. (?) More constatait au XVIe siècle une crise de civilisation qu?il apparentait aux crises historiques du passé: la crise de conscience du monde antique surtout et l?écroulement de l?empire chrétien d?Occident. Il soutenait avant tout une philosophie politique qui intégrerait les époques et les civilisations successives dans un développement continu. (?) Fidèle aux meilleures méthodes de la critique littéraire, l?A. relève que les années de formation de More, les événements qui ont marqué son esprit et laissé une empreinte dans son oeuvre, aident à l?intelligence de sa pensée. (?) Ses inspirateurs directs sont saint Augustin, qui lui apporte la dialectique des deux cités, et Pic de la Mirandole, dont il avait écrit la vie et qui l?initia à la Kabbale, à la Gnose et au syncrétisme universel, philosophique et religieux, très teinté d?utopie. Et aussi Raphaël Hythlodée, responsable de la partie idéaliste du livre II. Cependant, l?oeuvre est complexe, mélange de sincérité, de critique virulente et d?ironie supérieure dans les rêves de reconstruction, l?idéalisme étant un masque facile. (?) La matière de l?oeuvre appartient en majeure partie au droit et aux sciences économiques. Afin de lui donner la plus vaste dimension et toute l?aura mystique qui nimbe la vie religieuse des Utopies, Th. More emprunte à Denys sa méthode de pensée, véritable dialectique par laquelle, par le double mouvement de l?affirmation et de la négation (?) le maître spirituel conduit le disciple au dépassement de la logique rationnelle. (?) L?ouvrage parut pour la première fois à Louvain en décembre 1516, puis à Paris en 1517, enfin à Bâle en 1518. C?est cette édition intégrale de Bâle que restitue l?A. En regard de chaque page traduite en français, se trouve le fac-similé du texte latin. Il s?agit d?une édition monumentale, en tout point exemplaire par la présentation harmonieuse, la photocomposition des textes (?), et naturellement l?apparat critique indispensable aux chercheurs, les notes et commentaires, l?importante bibliographie et l?index exhaustif enrichi de nombreuses définitions.? (ANDRÉ REIX in Revue philosophique de Louvain, 1981, pp.391-392).